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Eddie Young, perspectiviste : interview partie 1

En quoi consiste le métier de perspectiviste et comment collaborez-vous avec un architecte dans l’élaboration d’un projet ?

Avant même d’être assimilé à un artiste, auparavant un perspectiviste était capable de monter des perspectives, en filaire, avec des points de fuite élaborés. Aujourd’hui, la plupart du temps dans le cadre d’un concours, il doit savoir d’abord lire un plan, un croquis et traduire les idées de l’architecte difficilement transposables dans une représentation dessinée comme par exemple les couleurs ou la notion de reflet.
Une fois que l’on a compris la géométrie du projet brossé par l’architecte, nous montons le modèle 3D et la représentation proprement dite : perspective jour, perspective nuit, gestion des couleurs, des matériaux, perspectives, ambiance générale. Après, c’est avant toutes choses une question de fiabilité, de qualité et de réactivité, j’y reviendrai.

Quelle est la force d’une image dans un projet architecturale ?

La première chose que les élus voient lors d’un concours, avant même que l’architecte ait commencé à défendre son projet c’est l’image, la fameuse première impression. Quand un acteur rentre sur scène, il n’a pas encore ouvert la bouche que l’on sait déjà s’il est bon ou pas. L’image c’est pareil. la première sensation est d’être saisi ou non.
Une très belle représentation du projet via des images est un point essentiel pour rentrer dans le vif du sujet. On peut aussi résumer cela en disant que à deux projets identiques en qualité architecturale et en problématique technique, un rendu meilleur que l’autre aura plus de chance de gagner.
Dans le cadre d’un concours, les formats A0 de présentation sont constitués parfois pour moitié d’images, résumant tout le projet de l’architecte. Les élus souvent ne savent pas ou n’ont pas le temps de lire les plans, d’où l’importance de notre travail.

Le principe est de respecter à 100% les croquis et plans que l’on vous confie ou avez-vous une marge de liberté ?

C’est plus complexe que cela. La marge est dans l’interprétation. Un architecte accorde souvent plus ou moins d’importance à certains éléments du projet. Notre travail est de réinterpréter car nous savons par avance ce que va rendre une image ou un objet modélisé. Un exemple simple : les fenêtres, menuiseries ou structures porteuses dessinés par les architectes sont en général toujours trop épaisses de leur point de vue parce qu’ils souhaitent une plus grande transparence, une plus grande légèreté des objets. Nous les représentons donc plus finement, plus discrètement que ce qu’ils ont dessinés sur leurs plans.

Il y a des architectes qui ont un oeil très affuté sur un certain nombre de détail que nous mêmes ne voyons pas, d’autres non. Il faut donc apprendre à reconnaître le détail, l’objet, que veut accentuer, pointer du doigt l’architecte. C’est vraiment par l’habitude et le professionnalisme que l’on a acquis au cours des années que l’on y parvient.

Avec j’imagine toujours l’objectif d’être le plus proche possible de la réalité ?

Effectivement, l’hyperréalisme est aujourd’hui un axe important de l’image de synthèse, rendu possible par les outils que l’on utilise. En revanche, la contrainte du concours imposant des délais, un projet n’a pas forcément l’aboutissement que demande ‘hyperréalisme. Certains détails architecturaux n’ont pas été réglés ou sont encore trop flous. Il faut alors trouver un équilibre entre abstraction et réalité. Par exemple, on va donner une présence aux objets, un mur trop opaque, une végétation, en leur donnant une petite transparence. En général on essaie alors d’obtenir une ambiance très réaliste et de trouver en même temps de petits subterfuges pour que le projet soit légèrement abstrait.

Travaillez-vous uniquement en phase de concours avec l’architecte ou la collaboration peut-elle être prolongée ?

La facilité de mise à jour est bien sûr la particularité d’une image virtuelle. Une fois le concours gagné, le volet suivant est la phase de permis de construire. Tout en restant fidèle à l’image concours, on affine les échelles, on travaille aussi sur les abords, les alentours. Des images d’insertion sont aussi demandées par le maître d’ouvrage, ce que l’on appelle le volet paysagé, pour percevoir l’impact du projet inséré dans un site. En général, plusieurs vue sont demandées, plusieurs vues rapprochées ou plusieurs vues d’insertion lointaine.

Il est possible aussi dans les phases suivantes d’affiner certains détails techniques, de rendre compte d’endroits spécifiques du projet. J’ajouterais qu’avec la démocratisation de la 3D, entrée de plein pied dans les agences, ces dernières ont de plus en plus les capacité de le faire elle-même. Le perspectiviste intervient alors plutôt sur un rendu précis, un détail de façade, une restitution couleur à partir de leur modèle pour laquelle notre expertise photo-réaliste est nécessaire. Dans ce cas, les collaborations subsistent mais elles sont plus ponctuelles.

Quelles sont les tendances et l’évolution de ce métier ?

Les logiciels sont de plus en plus performants, de plus en plus faciles d’accès. Quant aux équipements informatiques, ils sont de plus en plus puissants.

Les architectes parce qu’ils ont la 3D en interne poussent leurs conception de plus en plus loin, leurs demandes deviennent très pointues. C’est l’hyperphotoréalisme qui est recherchée sans distinction entre le vrai et le faux. Du coup, tout cela demande une plus grande exigence de la part des perspectivistes; pour se former, pour se tenir au courant des dernières technologies et tendance. C’est un métier passionnant, en perpétuel développement et plutôt vers le mieux, mais qui reste très éprouvant : plus de travail, plus d’essais, plus de temps au final.
Aujourd’hui, on a la possibilité de livrer l’architecte une demi-heure avant pour qu’ensuite il imprime l’image sur son traceur et la plastifie. C’est une course contre la montre avec les délais raccourcis des concours. Cela nous éloigne parfois de l’aspect artistique de notre métier qui devient extrêmement technique. Nous devons être à la pointe : sur le logiciel, sur le parc informatique, sur l’œil que l’on doit avoir sur l’image et la parfaite compréhension des besoins de nos interlocuteurs.

photo d’illustration : Ehpad à Nouméa – Lauréat en cours d’étude – Chabanne et Partenaires – © EY

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Lire aussi l’interview partie 2

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